Le Livre de mon fils

VII

 

Mon fils, dans l'aventure de la Grâce, je t'ai donné un compagnon. C'est un jeune homme de Galilée. On l'appelle Jésus, ce qui veut dire Sauveur. Il est né à Bethléem de Judée, ses parents étaient en voyage, et si pauvres étaient ceux-ci, qu'il vint au monde dans une étable. Comme il n'avait pas de berceau, on le posa dans la mangeoire des bœufs. C'était une nuit d'hiver, claire et douce. Les nuits d'hiver en Palestine ont parfois la douceur du printemps. Il n'y règne pas ce silence glacé des nôtres. On entend dans le lointain les troupeaux passer et les bergers qui les veillent chantent. Mais cette nuit-là, les bergers entendirent une voix qui n'était pas des leurs. Cette voix venait du ciel, et elle pleuvait sur la terre, douce comme une rosée. Et voici que des étoiles semblèrent se dilater : des anges parurent. Les bergers entendirent le chœur ineffable qui sans cesse joue devant la face des Trois. « Gloire au plus haut des cieux et paix sur la terre aux hommes. Dieu leur témoigne l'immensité de sa bienveillance. » chantaient les anges. Une joie immense avait saisi les bergers dans leur âme. Ils se sentaient pénétrés de paix. Ils eussent voulu rester là, et que cette minute ne finit point. Mais la voix reprit : « Laissez vos troupeaux, nous les veillerons pour vous. Allez à Bethléem, vous y trouverez un petit enfant nouveau-né. Vous le reconnaîtrez à ceci : il est si pauvre que simplement roulé dans des langes il dort dans une mangeoire ». Les bergers allèrent. Ils virent ce petit enfant. Mais la paix ne les avait pas quitté et plus vive encore était leur joie.

Le sauveur du monde n'était pas un roi vêtu de pourpre et de lin, un Salomon terrible de puissance, tout paré d'or. Il était comme les leurs. Ils pouvaient aimer ce petit enfant comme les leurs. Marie l'avait posé dans leurs bras. Ce n'était pas une affaire des riches, cette rédemption promise et dont les pharisiens, avec leurs robes coûteuses et leurs phylactères discutaient. Le sauveur était aussi le sauveur des bergers, pauvres hommes que des maîtres exigeants accablaient. Quelle n'était leur dignité puisque, tel un roi envoie des ambassadeurs auprès d'un roi, Dieu leur avait envoyé des anges.

Jésus à peine né, la Rédemption s'accomplissait. Et la Rédemption n'était pas une notion abstraite pour les manuels des élèves ni des élans mystiques hors de la vie. Le premier acte de Jésus sur la terre – il vagissait encore les yeux clos - : remettre de pauvres hommes dans leur dignité d'hommes. La Rédemption, elle commençait en pleine terre, elle était quelque chose de social comme on dit aujourd'hui. Elle commençait avant tous les appels à la prière ou à la vertu par reclasser des pauvres dans leur dignité charnelle.